Du Brexit à la libération de Karim Wade

En « Europe », les électeurs anglais, si l’on peut d’abord saluer chez eux le respect du précieux principe démocratique, n’ont aucune idée de ce qui les attend (une récession et la réalisation brutale leur place exacte sur l’échiquier mondial) : l’une des caractéristiques classiques des émeutes est après tout la mise à sac des quartiers ou vivent les émeutiers, mais pas ceux de leurs oppresseurs. En ce sens, le Brexit s’est constitué comme une véritable émeute électorale. La classe dirigeante anglaise qui a ouvert la boite de Pandore et se réveille aujourd’hui avec la gueule de bois, va donc tout faire pour rester accrochée à l’Europe, via des accords spéciaux et bilatéraux entre l’UE et l’Irlande et/ou l’Écosse, pour tenter de survivre aux effets de ses choix corporatistes. Les nations du vieux continent verront bien si l’Union Européenne saura prendre ses responsabilités là-dessus, et, rompre avec la conception, aujourd’hui paradoxalement dangereuse, de l’irresponsabilité des peuples, qui a marqué ses fondateurs, après les deux cataclysmes majeurs du 20eme siècle. Une autre conséquence intéressante, est que les polonais aujourd’hui, et, demain matin, les français, goûtent concrètement à Londres et ailleurs en Angleterre, ce que signifie la rétractation identitaire, lorsque l’on est immigré, et peut-être bientôt sans papiers … A méditer soigneusement, compte tenu des pratiques de chacun sur son propre sol. Penser qu’être « blanc » protège en Europe contre d’autres « blancs », grâce à la stigmatisation de « non-blancs », est d’une incroyable naïveté, quand ce n’est pas de l’irresponsabilité, en particulier s’agissant de ceux qui, un jour, se sont donné la peine d’ouvrir un livre d’histoire. Même distraitement. L’école ne protège pas contre la lâcheté.

Au Sénégal, le fait que Karim Wade soit libérable, après avoir servi la moitié de sa peine, n’est pas choquant en soi : on est pour l’état de droit ou pas. Même, si dans les prisons sénégalaises, nombreux sont les détenus qui aimeraient se voir appliquer la même logique judiciaire. Ce qui est choquant, c’est, une fois de plus, la grossièreté : Au lieu de de « constater » avec sérénité le fonctionnement normal des institutions, soit la décision d’un juge d’application des peines, le Président Sall a voulu imprudemment autant que bruyamment utiliser son droit de grâce, après la mise en scène récente d’une opération de « réconciliation nationale », pour un improbable avantage politique : ajouter une munition aux sanglantes guerres de successions du PDS. Macky Sall va devoir méditer deux longues années l’imbécilité politique qui consiste à emprisonner pour faits gravissimes un individu comme Karim Wade – avec une justice qui a fait preuve d’un incroyable amateurisme dans ce dossier – sans l’avoir, très logiquement, déchu du droit à se présenter aux prochaines présidentielles. Et, surtout, d’avoir irrité son peuple en prolongeant de deux ans son mandat, là où il aurait été réélu en 2017 dans une relative facilité, s’il avait respecté, intelligemment, sa parole de 2012. Comme son mentor « Gorgui » dès 2009, Sall est aujourd’hui petit dans la dignité de son costume. Une situation peu enviable au pays de la Téranga, ou la confiance en l’Etat et ses institutions est un enjeu majeur.

Lorsque les peuples réfléchissent avec leur intestin grêle et ne respectent plus, à juste raison, leurs dirigeants, on voit mieux qui, dans la foule, sait se tenir. Les années qui viennent seront intéressantes, de ce point de vue. En Europe comme en Afrique.

Les mouvements citoyens qui partout émergent, comme Podemos en Espagne, vont devoir faire le deuil de l’innocence. Ou subir l’opinion et les politiques mortifères de la perception, celles du gémissement victimaire télévisé, qui font du citoyen, un passager aliéné de sa propre démocratie.

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